Sur une idée originale de mon plus vieux camarade, Rémy Tharreau, je me prête volontiers à cet exercice. Délicat, certes, mais ô combien instructif : il nous rappelle ce que sont les valeurs, le respect des collègues et la solidarité.
Il y a bien longtemps, futur jeune recrue pleine de fougue, je fus détaché comme beaucoup de salariés de Scolarest, envoyé d’un établissement à l’autre pour assurer la rentabilité de l’entreprise. Ce système de détachement, déjà contraignant à l’époque, s’est amplifié au fil des années, jusqu’à mutualiser la main-d’œuvre dans différents segments, toujours au plus juste.
Un matin, à Sup Elec, j’ai vu débarquer plusieurs gars, chacun avec son style, dignes d’un western. Ils m’ont interrogé sur mes conditions de travail, mes primes, mes heures, mes trajets. Ne sachant pas ce qu’était un syndicat, je les ai repoussés. Mais leur persévérance m’a marqué : ils revenaient, toujours avec la même conviction. Ils m’expliquaient que si je n’avais pas besoin d’eux, eux avaient besoin de moi. Que ma force individuelle pouvait devenir une pierre à l’édifice collectif.
Surpris, hésitant, j’ai fini par les rejoindre. Ces inconnus sont devenus des camarades, des frères de lutte. Ensemble, nous avons traversé des épreuves, défendu des accords, fait progresser les droits des salariés. Et malgré les années, malgré les pertes douloureuses de certains compagnons, notre volonté reste intacte : protéger, soutenir, et continuer le combat.
Voilà pourquoi nous vous proposons aujourd’hui de partager, vous aussi, une tranche de votre vie.
- La CGT vous a-t-elle aidé ?
- Qu’est-ce qu’elle vous a apporté ?
- Êtes-vous fier d’en faire partie ?
Vos témoignages, anonymes si vous le souhaitez, seront publiés pour faire vivre nos valeurs. Et pour vous remercier, nous aurons plaisir à vous offrir un mug à l’effigie de la CGT, remis par un délégué lors de sa visite.
La parole est à vous. Ne tardez pas trop : il y a fort à faire, et chaque voix compte.
Bien fraternellement,
Christophe Cianfarani
Délégué central CGT Compass
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Le 3 septembre 1993, j’ai 23 ans et je mets pour la première fois les pieds dans un site scolaire SHR de 1 500 couverts. Cuisinier intermittent, 11 collègues, un chef gérant… et un contrat que je comprends à moitié. Résultat : en octobre, je touche un demi-salaire. Voilà ma première leçon du monde du travail : quand on ne connaît pas ses droits, on se fait avoir.
Alors, pour survivre, je bosse dans tous les restaurants possibles pendant les vacances scolaires. Le groupe Compass m’appelle à droite, à gauche, quand il y a des besoins.
Je m’accroche. Je me forme. En 1996, je décroche une formation de chef gérant à Marseille. Une vraie fierté.
1997 : cinq ans que je remplace des chefs gérants, souvent sans vacances, toujours disponible, toujours motivé. Je suis bien noté, je dois passer Second en septembre. Je suis dans la place. Je bosse. Je donne tout.
Et c’est là que ma vie bascule.
Un jour, à Cholet, un délégué CGT – Jean-Philippe Lemaire – débarque sur le site. On lui offre un café. Je le charrie sur sa chemise rouge, je rigole, je connais la CGT surtout grâce aux sketchs des Inconnus.
Il me répond avec calme, humour… et il a une connaissance impressionnante. Loi, CCN, accords d’entreprise, temps de travail, salaires… Il parle des salariés avec conviction, avec force, avec détermination.
Ça me frappe.
Je vois un mec qui sait. Un mec qui défend. Un mec qui n’a pas peur.
Je lui dis : « OK, j’adhère. Tu m’as convaincu. »
Et franchement, ça me coûte pas plus cher que les clopes que j’essaie d’arrêter. Déduction d’impôt a 66% !! bien meilleur pour la santé !!
Début août 1997, une collègue arrive en pleurs : elle a reçu 70 € au lieu de 700. Elle ne peut pas payer la garderie, le transport, le loyer. Elle est détruite.
J’appelle la direction : personne.
Le service paie : erreur.
On me demande des documents, des validations, des signatures impossibles.
Le chef de secteur : « On verra fin août… »
Je vois rouge.
Je veux aider. Je dois aider.
Je regarde autour de moi… et je vois un tract CGT.
Je décroche le téléphone :
— « Allô la CGT ? J’ai besoin de vous. C’est urgent. »
Réponse :
— « OK Rémy, on s’en occupe. »
10 minutes plus tard, le chef de secteur m’appelle en hurlant :
« Fallait pas appeler la CGT ! »
Eh bien si, il fallait.
Parce que 10 minutes plus tard, un chèque est émis. Enveloppe affranchie. Fax de confirmation. Problème réglé.
Ce jour-là, j’ai compris une chose essentielle :
La CGT n’est pas un logo. Ce n’est pas une chemise rouge. C’est une force. Une force qui, quand tu appelles, répond. Et quand elle répond, ça change des vies.
Le soir, je les remercie. Et je leur dis :
« Si vous avez besoin de moi, je suis là. »
Septembre 1997 : je me présente aux élections. Élu à l’unanimité.
1998 : je deviens représentant syndical au CE Ouest.
Et là, le chef de secteur me dit :
« Tu ne passeras pas chef de cuisine. Il faut choisir. Pourquoi la CGT ? Et pas de remplacements pour toi cet été. »
C’est la phrase de trop.
Ils veulent me faire taire.
Je vais faire l’inverse : je deviens délégué syndical central CGT .
Je sillonne tous les sites. Je vois les injustices. Je vois les dérives. Je vois les salariés oubliés.
Et je prends ma décision :
Je serai militant. Pour de bon. Pour toujours.
1999 : je deviens délégué syndical central CGT Scolarest.
Je négocie les 35 heures.
Réunions. Déplacements. Elections. Défense. Protection.
Je découvre ce que c’est : se battre pour les autres.
Les années passent. En 2012, je deviens chef gérant, après avoir dû prouver par deux fois ma valeur.
En 2020, je repasse un CQP chef gérant et je le réussis haut la main.
Parce que le militantisme, ce n’est pas une excuse : c’est une force. Une compétence. Un engagement.
Aujourd’hui, après 28 ans de militantisme, j’ai porté tous les mandats possibles :
· Délégué syndical central adjoint
· Chef gérant
· Élu au CSE Médico
· Élu au CSE Central
· Membre du Comité d’Entreprise Européen Compass
· Négociateur de la branche restauration collective
· Mandat à la Fédération CGT Commerce
Et surtout :
J’ai des camarades. Des frères. Des sœurs. Des gens vrais. Des gens solides. Des gens qui ne lâchent jamais rien.
On a traversé des tempêtes.
On a affronté des pressions.
On a gagné, perdu, recommencé, avancé.
Et on continue. Ensemble.
Parce qu’un salarié seul, c’est fragile.
Mais un salarié avec la CGT … c’est un salarié debout.
Et côté perso ? Tout va bien. Femme, enfants, équilibre. Parce que pour tenir aussi longtemps, il faut un foyer solide, des gens qui t’aiment, qui te soutiennent.
Je m’appelle Rémy Tharreau.
Militant CGT Compass.
28 ans de lutte.
Et toujours debout.
Très chers collègues,
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« Quand les riches volent les pauvres, on appelle ça les affaires. Quand les pauvres se défendent, on appelle ça de la violence. »
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