Chères et Chers Camarades,
Récemment, deux arrêts ont fait avancer le combat pour l’égalité professionnelle
entre les femmes et les hommes.
Pour la seconde fois, les juges ont reconnu l’existence d’une discrimination
systémique : il s’agit d’une victoire syndicale et juridique historique, dans la
continuité de l’action collective, contre les inégalités femmes hommes, le racisme au
travail et la discrimination raciale systémique !
Fin 2019 la discrimination raciale systémique avait été une 1
ère fois reconnue dans le
cadre des accidents du travail sur le chantier de Breteuil.
Aujourd’hui, et pour la 1ère fois, c’est la discrimination sexuelle systémique qui est
reconnue.
En effet, Publicis et le Crédit foncier ont été condamnées pour « discrimination
sexuelle au travail », condamnations assorties d’une peine de 500 000 d’euros
d’indemnités à verser.
• Dans la première affaire, le juge reconnait implicitement le caractère «
systémique » de la discrimination en raison du sexe dans une entreprise du Crédit
foncier Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - Chambre 6, 10 mai 2023, 21/05342
(pappers.fr) 2023, 21/05342 ;
• Dans la seconde affaire, il est alloué une réparation de 500 000 euros à une
ex-salariée discriminée chez Publicis Décision - RG n°21-02.458 | Cour de cassation
Dans le premier arrêt, la Cour d’appel de Paris condamne le Crédit foncier à verser
100 000 euros de réparation à une ancienne salariée : cette dernière a passé, dans sa
carrière, onze ans (2006 – 2017) au même niveau de classification. Ses collègues
masculins ayant les mêmes compétences ont eu un déroulé de carrière positif
contrairement à elle. La salariée de la société n’a pas évolué malgré ses bonnes
évaluations et ses demandes motivées et répétées. En 2017, quand elle a passé enfin
l’échelon supérieur, elle restait toujours à des échelons inférieurs par rapport à ses
collègues masculins.
RECONNAISSANCE DE DISCRIMINATION
SEXUELLE SYSTÉMIQUE
Droit en
Liberté
N° 195 – septembre 2023
Bulletin édité par le pôle DLAJ Confédéral.
En outre, au-delà de la reconnaissance de « la discrimination à raison du sexe » par la
Cour d’appel, cette décision met en évidence l’existence d’un phénomène organisé
et plus large dans l’entreprise. Le juge évoque les bilans sociaux de l’entreprise qui
montrent un écart de salaire entre les hommes et les femmes au sein de la société
jusqu’en 2017.
On peut ainsi parler d’une discrimination sexuelle systémique.
En effet, dans ce cas d’espèce on pouvait constater que les salariées femmes sont
majoritaires dans l’effectif de la société́(63 % en 2017) mais pas dans la catégorie des
cadres, où elles sont cantonnées aux postes les moins élevés et moins bien
rémunérés dans les classifications. Elles sont majoritaires dans la catégorie des
employé·es, mais plus les échelons augmentent, plus elles deviennent largement
minoritaires.
Dans le second arrêt, concernant l’entreprise Publicis, la société est condamnée pour
discrimination en raison du sexe et de la grossesse. Le juge constate que la salariée
était dans un état de « stagnation de sa carrière », avec « absence de bénéfice de la
garantie salariale d’évolution post-congé de maternité », « absence de maintien de
son salaire à 100 % durant les deux premiers mois de sa troisième grossesse ».
Ces deux décisions apportent des nouvelles encourageantes pour l’égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes, s’ajoutant ainsi aux décisions qui
rappellent l’obligation qu’à l’employeur à « communiquer à une salariée les bulletins
de salaires d’autres salariés occupant des postes de niveau comparable au sien avec
occultation des données personnelles à l’exception des noms et prénoms, de la
classification conventionnelle et de la rémunération ».
Pour rappel : la discrimination systémique est une discrimination qui relève d’un
système, c’est-à-dire d’un ordre établi provenant de pratiques, volontaires ou non,
neutres en apparence, mais qui donnent lieu à des écarts de rémunération ou
d’évolution de carrière entre une catégorie de personne et d’autre.
La discrimination systémique conjugue quatre facteurs :
• Les stéréotypes et préjugés sociaux,
• La ségrégation professionnelle dans la répartition des emplois entre
catégories,
• La sous-évaluation de certains emplois,
• La recherche de la rentabilité économique à court terme.
Aussi, et d’après le Défenseur des Droits, une discrimination systémique est
caractérisée quand :
« Des comportements visant à exclure ou à défavoriser de manière volontaire ou non,
mais perpétuant des stéréotypes ancrés et qui sont le fruit de préjugés inconscients
[...]. La qualification de discrimination systémique permet de débusquer des
discriminations banalisées et de remettre en cause la pratique qui les génère ».
La discrimination systémique n’est pas forcément consciente de la part de celui qui
l’opère, mais englobe des comportements qui ont pour conséquence d’exclure ou
défavoriser volontairement ou non, en perpétuant des stéréotypes qui sont le fruit
de préjugés inconscient.
La discrimination systémique peut donc combiner des discriminations directes ou
indirectes sur un groupe d’individus.
Si les juges commencent à s’emparer de la question des discriminations systémiques,
il reste encore beaucoup à faire pour informer nos militant·e·s sur cette nouvelle
façon d’aborder les discriminations. Lutter individuellement contre les
discriminations a en effet un impact qui sera limité à une personne ou un petit
groupe de personnes, alors que si la discrimination est déterminée comme
systémique, il sera possible d’intervenir directement sur l’origine des mécanismes
des discrimination et de faire changer concrètement les pratiques internes et
mécanismes discriminants institutionnalisés des entreprises.
La discrimination systémique a un avenir positif devant elle en termes de
reconnaissance, de réparation des discriminations et de changement concret des
pratiques des entreprises pour lutter contre toutes formes de discriminations
inhérentes aux pratiques même de l’entreprise.
Camille HECQUET
Conseillère confédérale
Pôle Égalité des Droits